Gareth regarda le bout de papier que l’adolescente lui tendait. Sans le prendre. Elle l’agita impatiemment et il le prit. Son nom était écrit dessus, d’une belle écriture, sans le moindre doute masculine, néanmoins. Le jeune homme fronça les sourcils et tourna les talons, montant dans sa chambre et regardant l’enveloppe dans tous les sens. Il pouvait compter sur les doigts d’une main ceux qui étaient au courant de sa présence ici, et qui le connaissaient, bien entendu. En soupirant longuement, il ouvrit la porte de sa chambre et y jeta la lettre puis sa veste. Après tout ce que Charlie venait de lui dire, il avait besoin d’une bonne douche pour encaisser le choc et commencer à digérer. Le fait qu’elle soit enceinte n’était clairement pas une chose à laquelle il s’attendait. Il se glissa sous le jet d’eau, essayant de ne pas penser à ce qu’ils avaient sous ce même jet d’eau, quelques semaines auparavant. Lorsqu’il ressortit, il se sécha et se rhabilla, et ses yeux tombèrent sur l’enveloppe. Plissant les paupières, il se laissa gagner par la curiosité et, s’affalant sur le lit, l’ouvrit et en sortit la feuille glissée à l’intérieur. Estampillée du logo de la police de Dungannon. Le jeune homme laissa échapper un petit rire. C’était une blague ? Par on ne savait quel miracle, la CIA découvrait son état de santé et le retirait pour une durée indéterminée du service actif, avec effet immédiat, et à présent, le chef de la police d’une petite ville d’Irlande voulait le voir ? Gareth ne croyait pas aux coïncidences. Il n’y avait jamais cru et ce n’était pas son travail qui l’y avait aidé jusqu’à présent. A présent bien plus intéressé par la missive que lorsque la gamine la lui avait tendu, il la lut. De la même écriture que sur l’enveloppe, on lui signifiait que le jour même, à quinze heures, ce qui signifiait dans une vingtaine de minutes, le capitaine Sohel Kirill souhaitait l’entretenir de sa situation professionnelle. L’agent ne put s’empêcher de rire. Déjà à cause du nom. Ces Irlandais étaient vraiment originaux. Et ensuite pour la façon dont il avait formulé la chose. Poliment, mais aussi de façon autoritaire, et tourné de manière à ce qu’il soit intéressé. Et il l’était, il fallait bien l’avouer. Comment diable cet homme avait il eu ses informations, il aurait bien aimé le savoir. N’attendant plus, il se leva et quitta l’auberge au pas de course. Il pénétra dans le poste de police, se retrouvant face à une nouvelle personne à l’accueil. Les dieux étaient de son côté, ce qui n’avait pas été le cas ces dernières semaines. Il sourit timidement, ce qu’il n’était absolument pas, et tendit la lettre. Elle lui montra l’escalier et il grimpa tout en haut, au second étage. Face à lui, se trouvait la porte dudit capitaine. Il toqua, attendant qu’on l’invite à entrer ou que l’on ouvre la porte.

Gareth entendit une voix grave l’autoriser à entrer, aussi poussa t’il la porte et pénétra t’il dans le bureau. Il fut surpris de se trouver face à l’homme qui était son interlocuteur. Il s’était attendu à quelqu’un de plus âgé, de plus… Pas le même genre de golden boy que lui, en tous les cas. Néanmoins, lorsque le capitaine Kirill l’enjoignit d’un signe à s’assoir, fermement et quelque peu autoritairement, il comprit pourquoi un homme si jeune était à un tel poste. Il s’exécuta sans un mot, écoutant l’homme lui proposer du travail. Il ne put cacher sa surprise. Il ne croyait pas le moins du monde aux coïncidences et que le chef de la police locale désire l’embaucher n’était pas un hasard. Savait il seulement qu’il s’était plus ou moins fait virer de la CIA ? Plus exactement, mis au repos pour une durée indéterminée. Les agents qui n’avaient pas une santé irréprochable étaient relativement indésirables. Et faciles à éliminer. Lui-même n’avait jamais eu à le faire mais il savait pertinemment qu’une unité existait pour cela, et il n’avait aucune envie de faire partie de leur to do list. Ou Charlie. Le mieux restant de se faire oublier. Ce qui serait moyennement aisé s’il devenait flic en Irlande. « Mon avenir ? » demanda t’il prudemment en fronçant les sourcils, avant de faire un immense sourire. « Me marier et avoir des enfants. Mais pas dans un avenir proche, je dois l’avouer. Pour l’instant, je me plais assez en Irlande. » S’il était aussi compétent que Gareth le pensait, il n’ignorait sans doute pas que le jeune homme n’était plus vraiment un envoyé de la CIA, mais rien de plus qu’un touriste. Qui se trouvait être un agent de la CIA. « Je ne pensais pas dire ça un jour, mais je vous avoue que j’aime bien ce pays. » Pas un si gros mensonge que ça, au final, et Charlie y était pour beaucoup. Mais ça, il ne comptait pas le dire au capitaine. Les yeux bruns le fixaient intensément, ne laissant rien paraître, et Gareth eut l’impression qu’il se trouvait face à son père. Sauf que son père était mort le 11 Septembre, en héros. Et qu’il y avait peu de chances pour qu’il en soit de même pour lui. Il se pencha, posant ses mains croisées sur le bureau. « Mais je ne vous apprends rien, n’est ce pas ? Allez y, capitaine, crachez le morceau, ni vous ni moi n’avons de temps à perdre en parlotte de bonne femme. »