J'en avais assez d'entendre parler de Liam. Depuis mon retour, à chaque fois que je rencontrais quelqu'un, il fallait que son nom apparaisse dans la conversation. Quand ce n'était tout simplement pas moi qui l'évoquait, idiot que j'étais. Sûrement un trop plein de culpabilité, ou du masochisme. Car parler de lui me faisait mal, pour une multitudes de raisons sur lesquelles je n'étais pas près à mettre un nom, tellement cette zone des émotions étaient endolorie.
Apparemment, Liam était célèbre pour ses frasques ici et en tant que flic, ne rien dire et éviter le sujet... ça devenait moyen. Dans quelques jours j'allais prendre mon poste de Lieutenant et je me demandais encore comment il allait falloir gérer ce point noir qu'était le Black Mambo. Je présumais sérieusement que la police du coin avait du fermer les yeux sur ça depuis toutes ces années. Mais aurais-je cette capacité ? Moi, qui, dans mes anciens postes ne laissaient rien passer....
Il était tôt, sûrement un peu trop pour débarquer. Je ne m'étais même pas embarrassé de le prévenir de mon arrivée. En même temps, je n'avais même pas son numéro. Ça faisait combien d'années qu'on ne s'étaient pas vu ? Je me souvenais de ces rares fois, où, devant le miroir, je songeais abruptement que nos visages avaient du évoluer de la même façon. Je connaissais tous les détails de son apparence, mais je ne savais plus rien de lui.

Je poussais la porte du bar, il était restait ouvert mais il n'y avait pas âme qui vive. Les chaises étaient encore sur les tables, le tout semblait propre. C'était la matinée, et le personnel devait dormir car le plus gros du travail c'était les longues nuits froides d'Irlande, qu'ils savaient réchauffer à leur façon.
Je m'approchais du bar. Trop tôt. Je le savais. Mais tant pis. Je voulais savoir. Pas seulement le voir pour être honnête, et même peut-être qu’inconsciemment javais choisie cette heure pour pouvoir plutôt déjà évaluer les lieux.
J'osais un " Liam ? " et un " Y'a quelqu'un " ? Dans le bar silencieux et qui le demeura.
Au bout d'un moment, je décidais de m'avancer dans le couloir que je devinais mener aux bureaux du personnel.

La porte du bureau de Liam était restait entrouverte. Je l'appelais encore une fois. pas de réponse. Je la poussais du bout des doigts en regardant autour de moi. Personne. J'étais mal à l'aise. Mon cœur battait la chamade. Ça me rappelait mon boulot de flic, j'avais été dans ce même genre de bar, dans des tas d'endroits. Sauf que mon cœur ne battait pas comme ça. Parce que derrières les portes, je ne craignais pas de voir mon jumeau cinglé que j'avais abandonné à son sort depuis plus de 14 ans. Les flingues m'effrayaient moins que lui en fait. Car j'étais entrainé pour le combat. Mais pas pour la douleur morale.
Le bureau était vide. Et je fus transpercé par le doute. Soit je partais et je ne cédais pas à mon désir de farfouiller, qui ne serait pas très fairplay. Soit, je restais et pour " son bien " je décidais de faire le point sur la gravité des choses.
Je m'avançais jusqu'au bureau en repoussant derrière moi légèrement la porte. Ensuite, mes doigts cherchèrent d'eux même les papiers, les tiroirs, les éventuelles enveloppes collées sous le bureau, je connaissais toutes les cachettes habituelles des proxénètes. J'étais du genre à prendre des risques dans mon travail, parce que j'aimais ça. Et l'habitude me faisait rapide et silencieux. Je finis par mettre la main sur des listes de comptes. L'argent coulait à flot apparemment. Mon frère se débrouillait bien...

C'était fou comme on était différents, Liam et moi. Quoique d'une certaine façon, on aimait le travail bien fait, et au vue de l'apparent succès de son business, il ne manquait pas de talent à cet égard.
J'entendis trop tard que quelqu'un arrivait. D'habitude dans un tel cas j'étais rapide et disparaissais comme j'étais arrivé. Mais là, j'étais troublé par l'omniprésence de mon frère pas vu depuis si longtemps. Ça me faisait trembler comme un amateur.
Je regardais autour de moi sans trouver la moindre cachette. Je décidais de m’asseoir derrière le bureau, et de prendre un air décontracté. Je n'aurais qu'à dire que j'attends mon frère.... Ou ... non c'était impossible, on me démasquerait forcément. J'allais attendre et évaluer la situation. Le bruit de talon m'indiquait que c'était pas mon frère qui débarquait, à moins qu'il ait des problèmes plus sérieux encore...

En me réveillant, je peste contre mon réveil. Pourquoi faut-il qu'il sonne si tôt ? Ha oui, je me souviens maintenant, des ouvriers doivent venir réparer une fuite dans les toilettes pour hommes du bar. Ho joie que de m'y coller alors que ma couette et mon oreiller me somme de rester avec eux.
Après une douche rapide, un petit-dèj sauté, j'arrive au Black avec trente minutes d'avance, le temps de prendre une bouteille au bar afin de remplir mon bureau pour la journée mais aussi d'inspecter les chambres encore désertes.
Je viens de finir la dernière chambre quand mon téléphone se met à sonner. En décrochant, je me retrouve à parler avec le plombier qui m'annonce être devant la porte. Je me dirige donc vers l'entrée du bar et me retrouve face à un charmant jeune homme. Enfin charmant, c'est vite dit vu les clichés sur les plombiers qu'il semble prendre plaisir à véhiculer. Je secoue la tête en fermant les yeux avant de le diriger vers les toilettes problématiques tout en lui expliquant le soucis.
Je quitte les lieux en me pinçant les lèvres fortement tant j'ai envie de rire de sa dégaine. De toute façon, il sait où me trouver en cas de problèmes. Je me dirige donc vers mon bureau et en regardant un peu plus loin dans le couloir, je m'aperçois que la porte du bureau de Liam est ouverte. Je jette machinalement un coup d'oeil à ma montre avant de décider de faire ma polie et d'aller le saluer.

Ouvrant la porte après m'être brièvement signalée, je commence par être surprise de son allure. Il n'est pas habillé comme d'habitude mais bon, c'est son droit après tout. « Le problème est réglé. Tu n'as pas à t'en faire. » Comme à mon habitude, je regarde Liam froidement, presque comme si je veux le fusiller sur place. En même temps, j'ai de quoi vouloir le fusiller sur place. Une fois les comptes rendus, je pourrais retourner à mon bureau mais je n'en ai pas envie. A la place, je me dirige vers le mini bar et me sert un verre de son meilleur whisky. Je sais qu'il déteste que je fasse ça mais bizarrement, moi j'adore. Le liquide me brûle la gorge avec délectation puis, tout en regardant Liam à nouveau, je m'essuie la bouche sensuellement avec mes doigts. « Sinon, avant que je retourne à mes basses besognes, il y a quelque chose que tu veux me dire ? Une autre règle que j'aurais enfreint peut-être ? Ha bah non, il est encore trop tôt pour qu'une pétasse soit venue se plaindre au grand Liam Slyfiter. » Un sourire narquois ponctue ma phrase pendant que je me ressers un verre que je boirais plus lentement cette fois.

Une jeune femme débarqua finalement dans le bureau sans s'encombrer d'un grand préambule elle me signala que le problème était réglé. Du moins, c'est ce qu'elle signalait à Liam... En fin de compte, je n'avais pas eu à jouer la comédie, elle m'avait regardé suffisamment peu de temps pour me prendre pour son patron. C'était à la fois amusant et excitant, je ne pouvais le nier. Jamais dans aucune de mes affaires je n'avais eu l'occasion de me faire passer pour une personne tout à fait au centre des magouilles et en possession du pouvoir. La tentation d'en savoir davantage était si grande que pratiquement irrésistible. Je la regardais se servir un verre dans le minibar du bureau de Liam avec un air presque provocateur. Elle avala du whisky, essuya ses lèvres épaisses et me regarda. Son ton était brutal et agacé. De toute évidence, Liam n'avait pas des relations " professionnelles" très épanouies. En même temps, la douceur et la compréhension n'étaient pas connues dans ce genre de milieu, bien au contraire. Ceci dit, il savait s'entourer de femmes très attirantes, c'était une qualité que je ne pouvais pas lui retirer.
Pour que cette femme lui parle ainsi, c'est qu'elle ne devait pas uniquement être sa collègue, mais ça encore, c'était une évidence dans ces milieux. Tout était une question de pouvoir. Je gardais mon air détaché et tentais ce à quoi je ne résistais pas, restant très calme. J'ignorais si Liam était du genre à s'énerver, du souvenir que je gardais de lui à dix huit ans, il était le plus souvent dans son monde.

-Tu parle de quel problème ? déclarai-je en tâchant de rester parfaitement indifférent.

Je fouillais toujours dans les papiers comme s'ils étaient les miens et que mon occupation dépassait de loin l'intérêt que je lui accordais.
Elle devait être du genre sur les nerfs, pas satisfaite par sa vie c'était certain, au vu de ces derniers mot. Je lui aurais bien fait la remarque que, la concernant, il était un peu tôt pour boire un alcool si fort, mais je ne savais pas si c'était le genre de remarque que pouvait faire Liam à ses employés. En vérité, je savais tellement peu de choses sur Liam que c'en était pathétique. C'était mon jumeau et hormis nos apparences, nous n'avions rien en commun.
Mieux valait donc que je parle un minimum.

Je ne sais pourquoi j'aime tant emmerder Liam mais je sais que j'aime ça. L'exaspérer, le repousser dans ses retranchements, j'adore. C'est sûrement pour ça que j'ai décidé de lui faire part du fait que le plombier est en place alors que je sais qu'il en a strictement rien à faire. En même temps, il l'a bien cherché, je suis sensé gérer ses employés sexuels, pas m'occuper de surveiller un plombier.
En débarquant dans son bureau, je m'amuse à faire tout ce qu'il déteste. Je me sers un verre sans son autorisation, je le provoque, attendant une réaction de sa part mais tout me semble bizarre dans son comportement. Oui je sais, Liam Slyfiter est toujours bizarre mais aujourd'hui encore plus que d'habitude. Au lieu de me rendre mon regard, il trifouille ses papiers après m'avoir demandé de quel problème je parle.
Je hausse un sourcil avant de boire une gorgée du liquide ambré contenu dans mon verre. La brûlure de l'alcool est moins forte en le buvant lentement. Dommage. Je garde mon verre en main et me dirige vers le canapé, m'asseyant dessus négligemment tout en continuant de le fusiller du regard avant de me détourner de lui. « Faut vraiment que tu arrêtes de boire mon pauvre ami, tu commences à devenir sénile. » Je pouffe légèrement, ce qui ne m'est pas arrivé depuis fort longtemps. Finalement, j'ai bien fait de rendre une petite visite à ce cher Liam. Pour une fois, il va égayer ma journée au lieu de me la pourrir. « Sérieusement, tu sais très bien de quoi je parle. »
Je fini mon verre et je me lève pour me diriger vers le bureau derrière lequel est assis Liam avant de poser bruyamment mon verre dessus, me penchant exagérément afin de lui chuchoter une dernière chose. « Aurais-je à ce point froisser le grand Liam Slyfiter la dernière fois que je suis venue dans ce bureau pour qu'il m'ignore de la sorte ? » Je me redresse, posant un main contre ma poitrine et faisant une mine triste, comme si je l'étais vraiment. « Sniff, sniff. Ne t'en fais pas, ta pétasse sera bientôt là et tu pourras te consoler. A moins que tu préfères un mec aujourd'hui. » C'est fou ce que j'adore rendre mon patron encore plus fou qu'il ne l'est.

Il était évident que la jeune femme cherchait à provoquer Liam... Du moins, celui qu'elle pensait être Liam, c'est à dire moi. Il était sûrement temps pour moi de repartir d'où je venais. J'aurais seulement aimé en savoir davantage sur les affaires de mon frère mais c'était prendre le risque de me faire démasquer. Qu'allait dire Liam si mon grand retour commençait par un viol de son intimité ?
Je n'aurais pas aimé ça à sa place. Mais Liam n'était pas quelqu'un qu'on peut aborder facilement. Tout comme moi finalement, malgré mes airs social je ne l'étais pas tant que ça. J'étais brisé aussi, à ma manière.
La jeune femme se pencha sur mon bureau en parlant, je me concentrais pour ne pas regarder son décolleté avantageux puis elle se redressa et continua son discours de provocation. J'ignorais si mon frère avait des tendances gays mais j'étais certain qu'elle ne disait pas cela pour lui être agréable.
Je relevais finalement les yeux vers elle tâchant d'avoir l'air irrité et aussi énervé qu'elle. Soit je partais immédiatement, de ce fait je n'aurais pas tout ce que souhaitais mais je risquais moins d'ennuis... Soit je me comportais avec qu'elle comme l'aurait fait un patron de ce type de milieu qui veut être seul. Ce n'était pas ma nature mais bon ... Je n'allais pas être trop dur non plus.
Je fis le tour du bureau, saisi les poignets de la jeune femme et la regardais avec mauvaise humeur.


-Ça n'est vraiment pas le moment de me déranger. Va t'occuper de tes putes maintenant.

Je la repoussais avec fermeté. J'aurais été incapable d'être violent. Il me fallait juste une ou deux minutes de plus. Ensuite, je quitterais ce taudis et trouverais un autre moyen de rencontrer mon frère. Pourtant, j'aurais aimé en savoir davantage par la bouche de cette jeune femme. Certes, c'était un lieu de passe, mais y avait-il des trafiques de drogues ou même d'armes ? C'était ça que je voulais savoir. Bien entendu, qu'il s'agisse d'une maison de passes c'était déjà beaucoup, pourtant, l'idée qu'il puisse s'arrêter là me rassurait. La drogue et les armes mélangé à ça, et il courrait droit à sa perte. Car c'était dans ce genre de trafics que les règlements de comptes étaient les plus violents. D'autant que je ne voyais pas comment fermer les yeux sur tout ça désormais que j'allais bosser dans la police de cette ville.
Alors, je tentais le tout pour le tout. Ma question pourrait avoir plusieurs sens selon ses véritables relations avec Liam, j'en apprendrais davantage. Avant de la lâcher j'ajoutais avec froideur :

-Tu as la drogue sur toi ?

Hors jeu:

Je m'étonne que Liam ne se soit pas encore énervé contre moi. Habituellement, je suis à peine rentrée dans la pièce que les hostilités commencent sans compter que la dernière fois, il m'avait étranglé et que je m'en souviens encore. Cela aurait pus être agréable s'il y avait eu une suite plus avantageuse mais ce n'était pas le cas. Tout comme je remarque son regard fuyant alors que normalement, il plonge son regard dans le mien où dans mon décolleté, ce qui est pour le moins étrange.
Sa répartie me fait éclater de rire, si bien que je mets quelques instants avant de lui répondre. « Pardon ? Tu as vu l'heure qu'il est ? Même moi je ne devrais pas être là alors les filles et les gars, n'en parlons pas. » Je continue de rire tout en secouant la tête et en me dirigeant vers la porte. Je ne sais pas ce qu'il lui arrive aujourd'hui mais il est vraiment bizarre. La main sur la poignée de la porte, je m'apprête à partir quand il me pose une question qui me fait froncer les sourcils. Je me retourne et le détail plus attentivement avant de prendre la parole. « Tu te fous de ma gueule ? T'es vraiment bizarre aujourd'hui, à moins que... » Je regarde l'homme que je prenais pour mon patron, les bras croisés avant de venir m’asseoir sur la chaise en face de lui. « … A moins que vous ne soyez pas Liam. Je me trompe ? » J'hausse un sourcil, certaine d'avoir mis dans le mille. Cet homme n'est pas Liam, d'où les réponses décalées.